J’ai rencontré Charlotte au printemps 2008 et ce jour-là, il y eut immédiatement un échange et une entente sur le plan à la fois artistique et intellectuel.
Charlotte est une jeune femme qui accepte les remarques, voire les critiques pour les déjouer aussitôt par la surprise d’un nouveau tableau.
En reprenant ce qu’elle écrit sur elle, il y a, au sens fort du terme, cette apparition de la nuit dans laquelle se déroule tout son travail. C’est une nuit active et Charlotte se réfère à Corneille : « cette obscure clarté qui tombe des étoiles ». La nuit est restée longtemps l’image de la terreur « c’était pendant l’horreur d’une profonde nuit ».
Pour Charlotte, ce n’est pas l’horreur mais le bonheur et la nuit n’est pas profonde. Elle est celle de la légèreté, et surtout d’une vue débarrassée de tous les poids du jour.
Si l’on regarde sur une durée, bien sûr encore courte, la suite des tableaux de Charlotte, on pourrait dire que c’est un moment qui éclaire et surtout qui permet au peintre de s’emparer d’une vérité que les autres ne voient pas.
Ces nuits font apparaître une réalité qui glisse en quelque sorte du paysage à la figure.
Je regarde : stades, cimetière. Le stade est parsemé de personnages. Sont ce vraiment des personnages ? … des signes ?….
Les figures apparaissent d’abord dans une seule touche, tout juste discernables – et c’est là un des grands talents de Charlotte – jusqu’à ce qu’elles apparaissent pleinement dans un duo qui traverse la nuit.
Voir dans la nuit est un talent original : extérieurs, cimetière qui se dévoile, paysages vus ou devinés. Tout ceci est une peinture que l’on peut dire clairvoyante ; touches de couleurs mêlées mais avec une technique très progressive, pour aller du sombre au clair.
Cette vision de la nature est la nature même du peintre. C’est une nature, un travail qui tout en gardant son originalité, s’adapte à l’environnement ; celui-ci est regardé par Charlotte avec une passion discrète mêlée d’humour qui apparaît dans les tableaux qu’elle a peint pendant son séjour de travail en Chine. Elle y a mis aussi un essai de représentation du futur où les simples villes deviennent des cauchemars urbains.
Il est difficile de situer Charlotte dans une Ecole ou simplement dans une tendance. Je ne vois pas – mais je peux l’ignorer – qu’elle soit inspirée par des peintres récents. On peut d’abord dire qu’elle fait partie de ces jeunes peintres qui retournent à la réalité de la peinture. Réalité ne veut pas dire figuration mais plutôt, redécouverte de la création, redécouverte du style après vingt ans d’art officiel et de culte de l’objet.
François Dujarric de la Rivière
Décembre 2009